Le 7 octobre, nous apprenions, comme chacun, que le Hamas avait entrepris une opération terroriste de masse contre l’Etat et le peuple israélien. Et, comme chacun, nous étions horrifiés devant la recrudescence de cette guerre et révoltés contre l’incapacité des peuples de cette région à trouver une solution de coexistence pacifique, sinon harmonieuse des deux peuples. Très concrètement, cette situation remettait en cause notre projet qui était d’aller jusqu’à Beyrouth pour y laisser notre voilier avant de revenir en France. Certes, selon nos amis libanais Nassib et Brenda CHEDID, Beyrouth restait en-dehors des hostilités mais eux-mêmes qualifiaient la situation de très volatile et ne dissimulaient pas leur inquiétude.
Nous avons donc décidé de renoncer à aller à Beyrouth, tout au moins dans l’immédiat, et d’aller jusqu’à Antalya en Turquie pour y laisser notre voilier avant de rentrer à Luc sur mer.
Notre première étape fut Goçek. Nous n’avions jamais vu autant de bateaux de plaisance réunis en un seul lieu : des gros et des petits, surtout des gros, des riches et des plus modestes, surtout des riches et des très riches et une ville organisée autour de ces bateaux de plaisance qui font sa richesse. Les marinas qui accueillent les bateaux sont bondées de restaurants et de boutiques, ce qui donne au port une atmosphère de Disneyland.
Je savais qu’il était nécessaire d’obtenir des autorités turques un document nommé “transit log” mentionnant les nom et caractéristiques du bateau ainsi que la liste des passagers mais ignorais que ce document devait être obtenu avant d’aborder la côte. De sorte qu’arrivés le 18 octobre en fin d’après-midi, nous nous sommes trouvés jusqu’au lendemain en fin de matinée dans la situation de migrants irréguliers, après avoir suscité la réprobation et la crainte du directeur de la marina dont la responsabilité était engagée. La situation s’est trouvée régularisée par un agent maritime qui s’est occupé des démarches après nous avoir demandé de rentrer sur le bateau et de ne plus en sortir avant d’avoir obtenu le précieux papier. Finalement, tout s’est bien terminé et nous avons évité les geôles turques.
Cela nous a permis de repartir le lendemain pour aller passer la nuit dans l’une des 12 îles situées au sud de Goçek. Ces îles sont merveilleuses, connues de tous les plaisanciers comme le montre le nombre considérable de voiliers et autres yachts, et nous y avons passé un moment très agréable :
Nous nous sommes arrêtés dans une baie nommée “Tomb bay” en raison de la présence à flanc de colline de tombeaux lyciens :
Et le lendemain, nous repartions pour le port de Kas en profitant du soleil levant.
Arrivés en fin d’après-midi à Kas, en raison du caractère très excentré de la marina, il ne nous a pas été possible de visiter cette ville et nous sommes repartis le lendemain matin en longeant l’île de Kastellorizo située à quelques centaines de mètres de Kas et qui présente cette particularité d’être une île grecque :
Ile qui revendique clairement son appartenance à l’Etat grec ; vous êtes prévenus si vous étiez dans l’ignorance.
Quelques milles nautiques plus loin vers l’est, nous arrivions alors à Kalekoy en face de l’île de Kekova.
Evidemment, naviguant depuis plusieurs mois dans les îles grecques, puis sur la côte turque, nous pensions avoir déjà vu beaucoup de beaux paysages. Un peu blasés. Mais nous n’avions pas encore vu Kalekoy. Cette côte a été occupée, il y a plus de 2000 ans par les Lyciens et subsistent encore beaucoup de tombeaux et de mausolées de cette époque le long de la côte. Il y a 2000 ans, l’île de Kekova était rattachée au continent par un village, plutôt une petite ville. Un tremblement de terre survenu à cette époque (le 18 octobre 23 à 13 h 52 car je sais que vous aimez la précision) a englouti cette petite ville dont ne subsiste plus que le village de Kalekoy au nord et des restes de constructions englouties le long de l’ile de Kekova. L’endroit est magique.
Je ne peux mieux faire que d’aligner des photos de cet endroit :
D’abord l’arrivée par un chenal qui permet de pénétrer dans le bras de mer séparant Kalekoy de Kekova :
Quelques ruines en passant :
Et c’est Kalekoy :
Cet endroit magnifique nous a accueilli pendant deux nuits :
avec un restaurant à quelques mètres du bateau… difficile de faire plus près.
A quelques dizaines de mètres, subsiste un tombeau lycien que l’on vient voir en maillot de bain dans 1 mètre d’eau :
Le village lui-même, parcouru de ruelles faisant parfois 1 mètre de large, dépourvu de toute route ou même chemin, accessible uniquement par la mer, est étonnant :
Et ne l’est pas moins, la forteresse qui le domine :
Sur le versant nord, on trouve de nombreux tombeaux lyciens :
Et, dans le village même, sous la terrasse d’une maison :
Après avoir traversé le bras de mer qui sépare le village de l’île de Kekova et en longeant la rive, on voit par quelques mètres de fond des ruines d’anciennes maisons et le rivage lui-même témoigne de cette vie ancienne :
Bref, l’endroit est tellement beau et sympathique que nous avons décidé d’y revenir au printemps prochain.
Et, après deux haltes pour la nuit dans les ports de Finike et de Kemer, nous avons rejoint Antalya. Comme le dit le Routard, il ne faut pas se laisser décourager par les longues avenues bordées d’immeubles modernes insipides qui caractérisent cette grande ville qu’est Antalya. La vieille ville est très belle avec ses maisons anciennes rénovées et ses traces de l’histoire romaine, notamment du passage de l’empereur Hadrien.
Comment ne pas être ému devant ces pierres sur lesquelles, longtemps avant nous, la main d’Hadrien a posé le pied ?
La vieille ville d’Antalya témoigne de sa longue et tumultueuse histoire.
A noter que nous sommes arrivés en pleine célébration du centenaire de la République turque, le 29 octobre 2023. Nous avons ainsi pu constater le culte que les Turcs portent à Mustapha Kemal Ataturk.
Et nous terminerons, pour faire plaisir à Martine, avec ces chats installés dans le jardin du musée archéologique d’Antalya.
Ainsi arrivés au terme de la première partie de notre voyage, nous avons laissé Marjan IV sur un ber dans la marina d’Antalya après l’avoir nettoyé et vidé autant que possible. Ce fut une tâche difficile car il s’agissait de ne laisser dans le bateau que le minimum minimorum. Il a donc fallu finir les bouteilles d’Ouzo, de Raki, de Ratzina, de blanc, de rosé, de rouge… Bref, je ne sais plus tout à fait où j’habite.
Pour remédier à cet état de déliquescence, nous rentrons à Luc sur mer le 4 novembre. Après 5 mois d’absence, nous sommes heureux de revenir chez nous avec tous nos souvenirs, bons et parfois aussi mauvais. Nous savons qu’à la fin du mois de mars prochain, nous viendrons rechercher Marjan IV pour repartir vers de nouvelles aventures, peut-être au Moyen-Orient si la situation se calme, sinon en Turquie en remontant la côte vers l’ouest et vers Istambul.
Alors, au mois d’avril prochain !
PS : après 5 mois de soleil et de chaleur, nous avons envie de pluie, de froid, de feux de cheminée… Je sens que cela va vous faire râler.