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Genèse du projet.

La mer est fascinante et il y a un moment où les jeux de plage et les promenades sur le sable ne suffisent plus. Le regard est attiré par l’horizon et ce qu’il y a au-delà.

Evidemment, tout le monde n’a pas la chance de naître breton et marin. On peut ainsi être terrien d’origine, parisien, normand de vacances et d’adoption, sans aucune tradition familiale marine. L’attraction n’est pas moins forte ; cela commence par un dériveur de plage, en l’occurrence un vieux Brigantin, et la découverte du plaisir qu’il y a à avancer par le seul effet du vent, sans aucun autre bruit que celui de l’eau qui glisse le long de la coque. L’horizon recule mais pas l’envie d’aller voir ce qu’il y a au-delà.

L’attraction est ensuite avivée par les promenades dans les ports, par le spectacle de ces bateaux qui peuvent aller un peu plus loin vers l’horizon et qui sont, à l’évidence, plus confortables que le dériveur de plage. Et il arrive un moment où le spectacle des autres quittant le port à la barre de leur voilier ne suffit plus. Avec Martine, nous avons alors franchi le pas.

Ce fut d’abord un Oceanis 323 avec une voile sur enrouleur dans le mat qui suscitait des sourires de commisération de la part des « vrais voileux » de la Société des régates de Courseulles sur mer. C’est avec lui que nous avons appris à nous servir d’un « quillard » et je lui garde un fort sentiment de reconnaissance car il nous a beaucoup pardonné. Avec lui, nous nous sommes « aventurés » avec nos deux garçons dans un premier temps vers Cherbourg, puis vers les iles anglo-normandes, notamment Aurigny et avons enfin traversé la Manche vers l’ile de Wight et le Solent.

Avec lui j’ai beaucoup navigué en solitaire, traversant la Manche à de nombreuses reprises, vers Portsmouth, Poole, Cowes ou les iles anglo-normandes. La navigation en solitaire est certainement la meilleure manière d’apprendre à naviguer car il faut nécessairement se débrouiller seul, quelles que soient les conditions qui, j’en témoigne, peuvent être mauvaises.

Après six années de navigation en Manche sur notre Océanis, nous sommes passés sur un Dufour 365, un peu plus grand et plus véloce. Il nous a conduit notamment à Londres pour ce spectacle magique de Tower Bridge découvert au détour d’un méandre de la Tamise et, à ses pieds, la marina de Ste. Catherine, avec sa station de métro…

Malheureusement, faute de temps, il nous était impossible d’aller au-delà de la Manche et d’envisager de plus lointaines destinations.

C’est alors qu’insidieusement, est venue s’installer l’idée d’avoir un jour un grand bateau de voyage pour partir « faire le tour de la pr,ison ». Ce qui n’était alors qu’un rêve, même pas une ambition, a commencé à trouver de quoi s’alimenter dans une visite du Salon nautique de Paris où j’ai rencontré, par hasard, un architecte naval nommé Vincent Lebailly (https://www.vincentlebailly.fr ) dont le Cabinet se trouve à Bernières sur mer, à quelques kilomètres de notre domicile et de Courseulles. Cette proximité géographique a facilité nos discussions et permis, avec l’aide d’un designer, vieux collaborateur de Vincent Lebailly, blanchi sous le harnais, de passer du rêve à l’ambition, puis au projet, aux dessins, aux plans …

La conception du bateau.

Le cahier des charges était simple. Nous souhaitions un bateau confortable, sûr, capable d’aller loin, aussi rapide que possible mais sans excessives illusions à cet égard.

Il y avait trois impératifs : d’une part, sur nos deux précédents bateaux et durant mes pérégrinations en Manche, j’avais trop souffert, à la barre, du froid et de l’humidité ; je souhaitais donc une timonerie intérieure permettant d’assurer une veille efficace et de naviguer « en charentaises ». D’autre part, le bateau devait pouvoir loger dans le carré un piano électronique. Enfin, nous souhaitions trois cabines avec au moins deux salles d’eau pour pouvoir accueillir nos deux fils et nos amis.

Le tout dans un espace très contraint, notamment par notre budget.

En bref, un camping-car allant sur l’eau.

Les discussions avec Vincent Lebailly et son collaborateur designer furent longues, fréquentes et il nous faut rendre ici hommage à leur disponibilité. Les plans et dessins témoignent de leurs compétences et de l’imagination qu’il leur a fallu déployer pour respecter ce cahier des charges et nos exigences.

Quelques années après, alors que la retraite professionnelle nous donnait enfin le temps qui nous manquait pour envisager de faire « le tour de la prison », la construction de notre bateau commençait donc à Caen.

La construction. 

Le choix d’un chantier naval pour la construction d’un bateau « sur mesure » est difficile car c’est une décision fondée sur une appréciation nécessairement spéculative de ses compétences et de sa capacité à mener la construction à bien sur une période d’environ 2 années. Et ces chantiers ne sont pas nombreux.

Conseillés par Vincent Lebailly, nous nous sommes tournés vers le chantier Normandy Yachts Services, installé à Caen, qui avait déjà, à son crédit, la réalisation de plusieurs bateaux en aluminium (https://www.normandy-ys.fr).

Pour ma part, je n’avais aucune idée de la complexité technique de la construction d’un voilier et de la diversité des compétences très spécialisées qu’il faut réunir : chaudronnerie, ébénisterie, électricité, plomberie, mécanique, peinture … Et mes inquiétudes étaient à la hauteur de mon incompétence.

Le premier avantage du chantier Normandy Yachts Service est sa taille. Suffisamment importante pour assurer la réalisation et la livraison d’un bateau clés en mains mais suffisamment mesurée pour permettre, à tout moment, un contact direct avec les collaborateurs du chantier.

Jamais aucune remarque n’est restée vaine, jamais une question n’est restée sans réponse.

Le second avantage de NYS est la qualité de ses collaborateurs, compétents, sérieux, consciencieux et sympathiques. Bref, très professionnels.

Le chef de projet a toujours manifesté la plus grande patience à mon égard, toujours disponible pour répondre à mes questions, même les plus farfelues, et pour calmer mes inquiétudes. Au-delà de sa compétence technique, il s’est montré très coopératif sur mes questions de détails d’aménagement et parfaitement rassurant face à mes manifestations d’inquiétude irraisonnée.

Les chaudronniers ont pris le temps de m’expliquer leur métier, les subtilités de l’aluminium et des structures, l’importance et la difficulté des soudures.

Les ébénistes n’ont jamais manifesté d’impatience malgré mes visites hebdomadaires, voire bi-hebdomadaires, acceptant de me commenter leur travail d’une extrême précision dans la découpe et la pose des éléments. Je dois avouer ici mon admiration devant leur capacité à aménager des espaces très restreints au prix de contorsions étonnantes.

Je n’imaginais pas la complexité des réseaux d’électricité et de plomberie mis en place. Mais, grâce aux explications qui m’ont été données, j’ai pu comprendre l’essentiel et commencer à m’y retrouver en espérant ne jamais avoir à mettre les mains dedans.

Enfin, moi qui n’ai jamais été capable de repeindre correctement une pièce d’habitation (Ah ! le ponçage …), je dois avouer mon admiration pour la patience et la méticulosité des peintres qui peuvent être fiers du résultat de leurs heures de travail.

La mise à l’eau.

Il s’agit là peut-être de la phase la plus émouvante. Voir le rêve devenu réalité sortir de son hangar, être soulevé par une énorme grue pour être placé sur une plate-forme tractée pour être emmené au grand bassin du canal de Caen à la mer, être à nouveau soulevé pour être doucement posé sur l’eau, est un grand moment. Et aussi l’instant de vérité : le bateau va-t-il flotter ou couler comme dans une mauvaise comédie ? et va-t-il flotter en étant bien équilibré ? Inquiétudes empreintes de beaucoup de naïveté et évidemment infondées.

Le résultat de ce travail collectif est maintenant sur l’eau :

Il reste à poser le mât, à installer les voiles et toutes les ficelles (il y en a vraiment beaucoup ; comment allons-nous faire pour nous y retrouver ?).

Les voiles.

Un voilier, c’est fait pour avancer à la voile. Les voiles sont donc le moteur du bateau ; elles doivent être bien conçues, adaptées au grément, et bien coupées.

Je ne pouvais donc que m’adresser à la Voilerie Mercure à Courseulles sur mer et à François Régnier. Outre le fait que François est devenu un ami au fil de nos bateaux successifs, je sais sa compétence en ce domaine, acquise notamment par une pratique assidue de la régate.

Si Marjan IV affiche aujourd’hui des vitesses honorables, c’est aussi à François que nous le devons.

Le projet de voyage.

Et voilà, c’est parti. Pour où ? le plus loin possible autour du monde ; pour combien de temps ? le plus longtemps possible compte tenu de notre âge.

Avec quelques rêves aussi précis qu’incertains :

-Arriver à l’aube dans la lagune de Venise pour voir le soleil se lever sur le Palais des Doges.

-Mouiller l’ancre dans la baie de Port aux Français dans les iles Kerguelen.

-Visiter l’ile britannique de Tristan da Cunha, située en plein atlantique sud : 207 km², 264 habitants en 2010…

-Traverser le passage du nord-ouest et passer de l’Atlantique à l’océan Pacifique.

-Naviguer dans les canaux de Patagonie

-…

En attendant, et comme nous ne faisons rien comme les autres, nous commencerons notre tour du monde par la méditerranée, puis l’océan indien via le canal de Suez et la mer Rouge. Nous verrons ensuite : peut-être la traversée nord-sud de l’Océan Indien vers les Maldives, les Seychelles, l’ile de la Réunion, l’ile Maurice…

Tel est le projet qui reste dans ses détails lointains, très embryonnaire.

Départ le 1er juin 2023 de Ouistreham, direction Cherbourg dans un premier temps, puis les iles anglo-normandes et la Bretagne, le Golfe de Gascogne, Gibraltar et la Méditerranée.

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A bientôt pour “le tour de la prison”.